Aussi longtemps…

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Aussi longtemps que nous serons enfants de la patrie
plus que de la matrie,
et plus riches d’un patrimoine
que d’un matrimoine ;

Aussi longtemps que des hommes vénéreront les femmes
comme des déesses,
mais les craindront
comme des démons ;

Aussi longtemps que des hommes et des femmes confondront
amour et possession ;

Aussi longtemps que, à travail égal,
une femme n’aura pas un salaire égal ;
Et qu’elle devra souvent s’y contenter
de lever les yeux vers son plafond de verre ;

Aussi longtemps qu’un homme à femmes sera un héros
et une femme à hommes une salope ;

Aussi longtemps
qu’il y aura quelque part des chefs de famille ;

Aussi longtemps qu’Une Femme ne sera pas présidente de la République
— pardon : aussi longtemps que cela, arrivé, nous étonnerait — ;

Aussi longtemps que le féminin d’assis devant la télé sera debout devant la vaisselle,
et aussi longtemps que tous nous en rirons
— gras le rire du mec, jaune le rire de sa biquette — ;

Aussi longtemps qu’il y aura des misogynes
et des misandres ;

Aussi longtemps qu’homme public et femme publique
ne seront pas le masculin et le féminin l’un de l’autre ;

Aussi longtemps que de tout poil des chapelles laisseront les femmes
à la porte du sacerdoce
— la romaine comme la téhéranaise, la moscovite comme la bénaressienne… —,
et qu’il n’y aura ni papesse, ni émiresse, ni matriarche, ni brahmanesse ;
Aussi longtemps que ça ne les gênera pas pour se prétendre morales
et pour imposer, contre l’éthique, leurs piteux moralismes ;

Aussi longtemps, d’ailleurs, qu’on pourra vénérer Dieu le père
Et pas ou plus révérer la Terre-Mère ;

Aussi longtemps qu’un homme à une femme fera le désamour,
puisqu’elle n’est qu’une créature inférieure ;

Aussi longtemps qu’il faudra des quotas
— la jambe de bois de l’égalité des jambes — ;

Aussi longtemps que,
pour les meilleures et les pires des raisons,
dans un métro ou une piscine
se pratiquera la ségrégation sexuelle ;

Aussi longtemps que la liste des fortunés de ce monde
ne comptera qu’une femme pour vingt hommes
— oh non : aussi longtemps qu’elle ne comptera pas
autant de femmes que d’hommes — ;

Aussi longtemps que les femmes au pouvoir
feront tout pour être des hommes, en pire ;

Aussi longtemps qu’un homme souillera une femme
d’un baiser dont elle n’a pas montré le désir ;
Aussi longtemps qu’un homme salira une femme
d’une caresse qui lui répugne ;
Aussi longtemps qu’un homme détruira une femme
en lui arrachant le droit de la posséder ;

Aussi longtemps qu’un homme pourra quitter sa vie
à une femme qui le quitte :
qu’il ne lui reconnaîtra de droit à la vie
que relatif à sa propre vie ;

Aussi longtemps que les nanas feront des prouesses à l’écrit
pour se faire étendre à l’oral ;

Aussi longtemps que certains et certaines ne comprendront pas
que la libération des femmes libère les hommes ;

Aussi longtemps que vivra ce marché patriarcal du sexe où
— à l’église, à la mairie, au deuxième bureau, au bordel ou dans la rue —
l’or s’échange contre fellations et pénétrations ;

Mais aussi longtemps que nous n’élèverons pas
de statues équestres à Grisélidis Réal ;

Aussi longtemps que des codes et des juges rancis
s’immisceront dans la chambre à coucher
en imposant le devoir conjugal et l’exclusivité sexuelle ;

Aussi longtemps que certaines et certains voudront exclure
et s’exclure par un point paresseux,
mais point inclusif ;
Et aussi longtemps que nous croirons
lutter contre l’oppression
en la voilant
de politiquement correct ;

Aussi longtemps que d’involontaires célibataires massacreront en masse
ces pouffiasses
qui n’ont pas, par pitié,
le bon goût de se laisser baiser ;

Aussi longtemps que les tortionnaires ajouteront, pour les femmes, à leurs supplices,
des supplices sur leurs seins et sur leur sexe ;

Et que des héros violeront, comme un butin, des femmes
pour anéantir l’ennemi et porter leur graine héroïque ;

Aussi longtemps que des libérateurs libéreront de leurs cheveux
celles qui ont eu le culot de se donner à d’autres qu’eux ;

Aussi longtemps qu’on pourra
mourir d’aimer ;

Aussi longtemps qu’impur sera le sang
abreuvant vos tampons ;

Aussi longtemps que certains
vénéreront leur mère comme une sainte
et les autres comme des putains,
Et que d’aucuns renieront leur sœur ou leur femme
parce qu’on leur a fait ce qu’eux-mêmes font
à la sœur ou la femme d’un autre  ;

Aussi longtemps que des femmes — à cause des anges ? —
porteront sur la tête la marque de l’autorité dont elles dépendent ;

Aussi longtemps que la mère et la bru se battront
pour l'ombre du pouvoir masculin ;

Aussi longtemps que des prêcheurs
sanctifieront la vierge,
et celle qui ne l’est plus
à seule fin d’enfanter leurs futurs culs bénis ;

Aussi longtemps que la polygynie
fera de la femme un cheptel,
et la polyandrie,
un bien qu’on se partage ;

Mais aussi longtemps qu’un polygyne ne trouvera pas
tout aussi normal
que sa femme soit polyandre ;

Aussi longtemps que ce que certains hommes écarteront d’abord, chez une femme, ce sont les jambes ;

Aussi longtemps que d’autres écriront :
Quand je dis l’homme, je pense la femme ;

Aussi longtemps, enfin, que
— tout ceci étant aboli —
dans la tête d’un homme ou d’une femme,
quelque part,
n’importe où,
ressourdra l’atavisme pour lequel
l’un est le maître,
l’autre sa chose ;

Aussi longtemps…
Aussi longtemps…
Aussi longtemps…

Alors,
Oui,
Aussi longtemps,
de l’homme, la femme ne sera qu’un avenir bien lointain.
Aussi longtemps,
les soldats ne pourront devenir troubadours.
Aussi longtemps,
il n’y aura pas d’amour heureux.
Aussi longtemps, pas à pas,
— pour dix mille ans ? —,
la femme et son amant auront à imposer leur même droit.
Aussi longtemps,
il faudra apprendre à chacun ce qu’est une femme.

Aussi longtemps :
et nous ne pourrons que rêver à l’amour
sans jamais savoir ce qu’il en est…

Dominique Sarr, Medellín, 17/09/20

Mientras


Mientras seamos hijos de la patria
más que de la matria,
y más ricos por un patrimonio
que por un matrimonio;

Mientras los hombres adoren a las mujeres
como diosas,
pero les teman
como demonios;

Mientras hombres y mujeres confundan
amor y posesión;

Mientras que, por un trabajo igual,
una mujer no reciba el mismo salario;
Y que a menudo tenga que conformarse
con mirar su techo de cristal;

Mientras un mujeriego sea un héroe
y una hombreriega una zorra;

Mientras
haya jefes de familia en algún lugar;

Mientras Una Mujer no sea presidenta de la República
–perdón: mientras eso, sucediendo, nos pueda sorprender–;

Mientras el femenino de sentar frente al televisor sea estar de pie frente al fregadero,
y mientras todos nos riamos de eso
–risa gorda del hombre, risa falsa de su mona–;

Mientras haya misóginos
y andrófobas;

Mientras hombre público y mujer pública
no sean el masculino y femenino uno del otro;

Mientras religiones de toda calaña dejen a las mujeres
en la puerta del sacerdocio
–la romana como la teheraní, la moscovita como la varanasi–,
y no haya ni papesa, ni emira, ni matriarca, ni brahmana;

Mientras no les importe hablar de moral
y, contra la ética, imponer sus lamentables moralismos;

Mientras un hombre a una mujer haga el desamor,
ya que no es más que una criatura inferior;

Mientras se necesiten cuotas
–patas de palo de la igualdad de las patas–;

Mientras que,
por las mejores y las peores razones,
en un metro o una piscina
se practique la segregación sexual;

Mientras la lista de los adinerados de este mundo
cuente con una mujer por cada veinte hombres
–oh, no: mientras no tenga tantas mujeres como hombres–;

Mientras las mujeres en el poder
hagan todo para ser hombres, aún peor;

Mientras un hombre profane a una mujer
de un beso cuyo deseo no mostró;
Mientras un hombre ensucie a una mujer
con una caricia que le repugna;
Mientras un hombre destruya a una mujer
arrebatándole el derecho a poseerla;

Mientras un hombre pueda quitar la vida
a una mujer que lo deje:
concediéndole un derecho a la vida sólo
relativo a su propia vida;

Mientras las chicas logren proezas en el escrito
para que las noqueen en el oral;

Mientras algunas personas no entiendan
que la liberación de las mujeres libera a los hombres;

Mientras dure este mercado patriarcal del sexo donde
–en la iglesia, la alcaldía, la segunda oficina, el burdel o la calle–
el oro se cambia por felaciones y penetraciones;

Pero mientras no premiemos
a Grisélidis Réal con estatuas ecuestres;

Mientras códigos y jueces rancios
se inmiscuyan en la alcoba
imponiendo el deber conyugal y la exclusividad sexual;

Mientras pensemos
luchar contra la opresión
escondiéndola
con corrección política;

Mientras solteros involuntarios maten en masa
esas perras
que no tienen, por piedad,
el buen gusto de dejarse follar;

Mientras los torturadores añadan, para las mujeres, a sus tormentos,
tormentos en sus pechos y su sexo;

Y que los héroes violen a las mujeres, como si fueran botín,
para destruir al enemigo y llevar su semilla heroica;

Mientras los liberadores liberen de su cabello
aquellas que tuvieron el descaro de entregarse a otros que ellos;

Mientras se pueda
morir de amor;

Mientras sea impura
la sangre que riegue sus tampones;

Mientras unos
veneren a su madre como a una santa
y a los otras como putas;
Y unos repudien a su hermana o a su esposa
porque les hicieron lo que ellos hacen
a la hermana o la esposa ajena;

Mientras las mujeres –¿por causa de los ángeles?–
lleven en sus cabezas la marca de la autoridad de la que dependen;

Mientras la suegra y la nuera peleen
para migajas del poder masculino;

Mientras predicadores
santifiquen a la virgen,
y a la que ya no lo es
con el único propósito de dar a luz a sus futuros asnos benditos;

Mientras la poliginia
haga de la mujer un ganado,
y la poliandria,
una propiedad que compartir;

Pero mientras a un polígino no le parezca
tan natural
que su esposa sea políandra;

Mientras lo que algunos hombres abran primero, en una mujer,
sean sus piernas;

Mientras, en fin
–todo esto siendo abolido–
en las mentes de un hombre o una mujer,
en alguna parte,
en cualquier lugar,
resucite el atavismo por el cual
uno es el dueño,
la otra cosa suya;


Mientras…
Mientras…
Mientras…

Entonces,
Sí,
Mientras…
la mujer será un porvenir muy lejano del hombre,
Mientras…
los soldados no se podrán convertir en trovadores,
Mientras…
no habrá un amor feliz.
Mientras… paso a paso
–por diez mil años?–,
la mujer y su amante tendrán que imponer su mismo derecho,
Mientras…
tendremos que enseñar a todos lo que es una mujer.

Mientras:
y sólo podremos soñar con el amor
sin nunca saber lo que es.

Notas
Matrimonio: la palabra no existe en francés, sino como femenino muy escaso de patrimonio.
– “… sea impura la sangre que riegue sus tampones”: el himno francés, La Marseillaise, canta: « … qu’un sang impur abreuve vos sillons » (que una sangre impura [la de los enemigos] riegue sus surcos).
– “… las mujeres –¿por causa de los ángeles?– lleven en sus cabezas la marca de la autoridad de la que dependen”: referencia a San Pablo (Corintios 11:10).
– “… abran primero, en una mujer, sean sus piernas”: referencia a una oración de Giacomo Casanova (Historia de mi vida ?) : « Dans l'examen de la beauté d'une femme, la première chose que j'écarte sont les jambes ». (Examinando la belleza de una mujer, lo primero que abro son sus piernas). Écarter significa tanto abrir como descartar.
– “… la mujer será un porvenir muy lejano del hombre”: referencia a un verso de Louis Aragon en Le Fou d’Elsa, « L'avenir de l'homme est la femme » (el porvenir del hombre/ser humano es la mujer).
– “… los soldados no se podrán convertir en trovadores”: referencia a una canción de Raymond Levesque, « Quand les hommes vivront d'amour, […] les soldats seront troubadours » (Cuando los hombres/seres humanos viven por amor, […] los soldados serán trovadores).
– “… No habrá un amor feliz”: referencia a un poema de Louis Aragon, también cantado por Georges Brassens, Il n'y a pas d'amour heureux (No hay ningún amor feliz).
– “… por diez mil años?”: referencia a un verso de la canción hablada de Léo Ferré Il n'y a plus rien, « … Un jour, dans dix mille ans » (un día, dentro de diez mil años).

Agradezco a Karolai Sierra por su ayuda en la versión castellana.

Version française ci-dessus

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