Casa del Alabado, 06/12/16

C’est un petit musée, loin des extraordinaires musées précolombiens du Mexique que sont le Musée d’anthropologie de México et le Musée d’anthropologie de Jalapa. Il n’est même pas forcément sur les guides… Et pourtant ce « petit » musée est une merveille. Son parcours thématique offre une plongée passionnante dans l’univers amérindien et ouvre la porte d’un voyage, plus encore que dans l’espace et le temps, dans l’esprit de nos lointains cousins…

Installée dans une sobre demeure du XVIIe, la « Maison de la louange » de Quito doit son nom au linteau de son portail : « Loué soit le très saint sacrement, ce portail a été achevé le 1er (…) 1671 ». Elle fait honneur à ce nom en regroupant les très belles pièces de sa collection en 8 thèmes. Je suppose que les spécialistes peuvent trouver matière à débat dans cette classification, mais elle a l’avantage de doubler le parcours esthétique d’un parcours mental. La plongée dans les cultures Valdivia, Jama-Coaque, La Tolita, Inca, etc. est, elle, transverse. Survol :

Le monde des ancêtres
Habitants de l’inframonde, les ancêtres donnent accès aux vivants aux forces spirituelles pour se procurer le bien-être et se protéger des cataclysmes. Selon les cultures, ils peuvent être très stylisés ou réalistes.


Ancêtre à 6 faces. Culture Valdivia (-4000 à -1500).

Le monde primordial
C’est le monde de l’énergie vitale, chaotique ou harmonieuse, et du mythe.


Les petits mammifères, fertiles en période de moisson, symbolisent l’abondance plus que la fécondité. Culture Bahía (-450 à +700).

Le monde de la matière
La matière qui forme notre monde n’est pas inerte. À l’image des cycles de la vie qui la façonne, la transformation de l’argile, du bois, de la pierre, du métal, des végétaux par la main de l’homme relève d’une activité spirituelle : elle concoure à se rendre propices les forces surnaturelles.


Couple dans la posture rituelle du cobra. Culture Jama-Coaque (-350 à + 1530).

Les mondes parallèles
Les cosmogonies amérindiennes empilent les univers. Les supramondes sont l’habitat des dieux, notre monde est celui de la matière, les inframondes, les lieux effrayants de la maladie et de la mort. Mais la tension créée par les 4 points cardinaux complexifie cette géographie sacrée, et des énergies duales, comme la vie et la mort, la nuit et le jour, la lune et le soleil... mettent le monde en équilibre instable…


Les personnages supportant cette coupe figurent la bipartition du monde. Culture Jama-Coaque (-350 à + 1530).

L’axe du monde
Cette cosmogonie est traversée par un axe du monde, ligne de force qui assure le passage d’un monde à un autre et par laquelle circule la vie dans son cycle. Grottes, tertres, pyramides… en sont les portes d’entrée et reçoivent pour cette raison des offrandes rituelles.


La verticalité du chamane dans les rites lui permet de communiquer avec les mondes parallèles. Culture Manteño-Guancavilca (+1100 à + 1520).

Le monde spirituel du chamane
Dépositaire de la connaissance ancestrale et spirituelle, le chamane est en charge des rites permettant de communiquer avec les autres mondes. Pour s’y engager et affronter leur dangerosité, il s’aide d’armes, de vêtements et d’accessoires rituels, de substances psychotropes, de musiques conduisant à la transe…


La musique attire les ancêtres et les charme pour qu’ils se montrent favorables ; le rouge est la couleur de la fécondité et celle du pouvoir. Culture Jama-Coaque (-350 à + 1530).


Au cours du rite, ce chamane se transforme en félin pour affronter ennemis et périls des autres mondes. Culture La Tolita (-350 à +350).

Le monde des élites
L’aristocratie précolombienne trouve la source de son pouvoir dans ses activités rituelles et guerrières, comme les offrandes et les sacrifices de prisonniers de guerre. Sa richesse est investie dans les objets prestigieux que nécessite le culte.


La fécondité, et par conséquent l’érotisme, est au centre de la responsabilité des élites politico-religieuses. Culture Jama-Coaque (-350 à + 1530).


Cacique ou sacerdote exerçant un rite sur une plate-forme le faisant communiquer avec les autres mondes. Culture La Tolita (-350 à +350).

Le monde de l’art
Ce 8e monde est à la fois le plus discutable et le moins contestable du parcours : tout est art mais tout est rite. Il a le mérite de réunifier la vision amérindienne unifiant elle-même religion, magie, pouvoir, art…


La muséographie du Monde de l’art évoque l’élévation au supramonde par le culte de la beauté…

La Casa del Alabado se concentre sur les seuls peuples et les cultures équatoriennes, dont les descendants animent toujours les rues de Quito. Sa portée va bien au-delà puisque on se prend à chaque pas à établir écarts et parallèles avec la Méso-Amérique, les Caraïbes, l’Amérique du Nord et jusqu’au chamanisme sibérien dont tous les Amérindiens partagent le lointain héritage.

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