Carnets d'exil

Las noticias de la pandemia del Covid-19 son cada día más alarmantes, en primer lugar las noticias que conciernen a América Latina. La situación acá está fuera de control y los sistemas de salud están saturados en muchas ciudades. Desafortunadamente, las proyecciones del IHME muestran que lo que estamos viendo no es nada comparado con lo que se está preparando: el número probable de muertes que se espera en América Latina es de 439.000 al 1 de octubre.
A continuación se resumen las proyecciones de los 26 países que se verían más afectados por la pandemia en esa fecha, el 26 es Francia... tristemente adelantado por 20 de ellos. El indicador utilizado es el número de muertes por millón de habitantes**** (cargar la tabla):

El escenario mediano, Proyección simple, corresponde al statu quo en cuanto a medidas y comportamientos; el escenario 1, llamado Masks, a la observancia estricta de las distancias, uso universal de la máscara (95%, como en Singapur) y endurecimiento de las restricciones; el escenario 3, llamado Easing (el menor esfuerzo...), a la hipótesis de un relajamiento de las restricciones y los comportamientos.
En cuanto a la proyección bruta, estos datos muestran que 12 de los 20 países de América Latina verían la mortalidad debida al Covid-19 multiplicada por un factor de 2,7 (Brasil) a 17,8 (Argentina). Colombia tendría el 1 de octubre 9,7 veces más muertos que el 3 de julio. Chile, el Ecuador y el Perú tendrían una tasa de mortalidad de 2,5 a 3 veces superior a la de los franceses actuales, y el Brasil, Colombia y México de 1,5 a 2 veces superior a la de los franceses actuales. Es decir, tanto o más que los desastres belgas o británicos.
Pero esto no es lo peor. Si bien un endurecimiento de las medidas sanitarias y de la disciplina individual salvaría 29 000 vidas en estos 5 países, al revés, su relajación, que ya estamos viendo, es catastrófica, particularmente en Chile y Colombia. En Chile, este sombrío escenario causaría 32.000 muertes más, multiplicando el número de muertes por 9,6.
En cuanto a Colombia, sería un horror absoluto. Ya no serían sólo algunas de sus ciudades que serían mártires, sino todo el país: sería el país más afectado del planeta. El número actual de muertos se multiplicaría por 44 y habría 3.200 muertos por millón de habitantes, 7,2 veces más que en Francia. Lo peor nunca es seguro, pero que no llegue depende de las autoridades del país, de cada uno de los colombianos y de una masiva ayuda internacional. Para estar completo, teniendo en cuenta los rangos de estimación, en 3 meses, este país tendrá entre 13.000 y 228.000 muertes*****, en comparación con las 3.700 actuales: podemos salvar decenas de miles de vidas.

Escuchemos a Michael Ryan, jefe de emergencias sanitarias de la OMS, que nos insta a salir de la negación y a realmente comprometernos en la lucha contra la pandemia: "Es realmente el momento de que los países miren las cifras. Por favor, no ignoren lo que les dicen las cifras"******.
La cuarentena ha fallado y una vacuna tardará varios meses. Lo que requiere esta lucha hoy en día es una dictadura sanitaria. No hay que ser un epidemiólogo para saber cómo invertir la tendencia, sólo hay que escucharlos: probar masivamente; revisar las aguas residuales; aislar a las personas positivas o potencialmente positivas en estructuras dedicadas cuando sus condiciones de vida (pobreza, vivienda, educación, soledad...) no lo garantizan; movilizar a la policía y al ejército para que se respeten las distancias sociales (colas apretadas como sardinas, ¡basta!) y que se bien usen tapabocas (normas y controles); instaurar la "ley seca" hasta que la crisis termine; llevar a cabo confinamientos localizados en los brotes; decuplicar la capacidad temporal en los hospitales; impedir cualquier agrupación, incluso funeraria; detener los días sin IVA...
"Nada es más precioso que la independencia y la libertad", dijo Ho-Chi-Minh, y tenía razón.
Pero para eso, necesitamos vivir.

(*) Población según populationdata.net. No se dispone actualmente de proyecciones para China, Etiopía, India, Indonesia, Nigeria y Sudáfrica.
(**) Según la Universidad Johns Hopkins.
(***) La mortalidad actual en estos países sería mucho más alta según el IHME.
(****) Por dos razones. La letalidad de Covid-19 es del orden de magnitud del 0,6%; sin embargo, los muertos representan el 3,4% de los casos colombianos: más del 80% de los son desconocidos, es decir unos 500.000, y el número de casos conocidos no es representativo. También se subestima la mortalidad, pero en menor medida. Por otro lado, informar el número de muertes por millón de habitantes es la única manera de hacer comparaciones.
(*****) Los mayores de 70 años representan el 48,8% de los muertos, pero el 5,6% de la población colombiana: su participación en esta hecatombe sería de 6.300 y 111.000 respectivamente. Del 0,5 al 10% de este grupo de edad desaparecerá.
(******) Le monde, 04/07/20

(Version française)
La gravité de ce qui suit appelle une mise au point :
1. Je ne suis pour rien dans les chiffres cités : ce sont ceux de l’IHME (Institut de mesure et d’évaluation de la santé de l'université de Washington - Seattle). Je ne fais que les synthétiser et de les commenter.
2. Il s’agit de projections : l’IHME a établi 3 scénarios d’évolution, et j’utilise leur valeur centrale. Les fourchettes sont fermées pour les pays sortis de la vague épidémique (France), très ouvertes pour ceux qui n’en ont pas atteint le pic (Colombie).
3. Les non spécialistes, dont évidemment je suis, ne peuvent juger ni de ces résultats, ni des méthodes qui les ont fait élaborer. Ils ne peuvent que les prendre en compte, comme un travail scientifique prudent et sérieux, non comme parole d’évangile.
4. Diffuser ces projections n’a pas pour but de semer la panique, mais de nous mettre face à nos responsabilités : tout faire pour que le scénario le moins grave se réalise.

Les nouvelles de la pandémie de Covid-19 sont chaque jour plus alarmantes, en premier lieu celles concernant l’Amérique latine. La situation y est hors de contrôle et les systèmes de santé saturés dans de nombreuses villes. Malheureusement, les projections de l’IHME font apparaître que ce que nous constatons n’est rien face à ce qui se prépare : le nombre probable de morts attendu en Amérique latine est de 439 000 morts au 1er octobre.
Voici une synthèse des projections pour les 26 pays qui seraient les plus touchés par la pandémie à cette date, le 26e étant la France… tristement doublée par 20 d’entre eux. L’indicateur retenu est le nombre de morts par million d’habitants****(télécharger le tableau brut) :

Le scénario médian, simple Projection, correspond au statu quo en termes de mesures et de comportements ; le scénario 1, dit Masks, au strict respect des distances, au port universel du masque (95 %, comme à Singapour) et au durcissement des contraintes ; le scénario 3, appelé Easing (la facilité…), à l’hypothèse d’un relâchement des contraintes et des comportements.
Pour la projection brute, ces données font ressortir que 12 des 20 pays d’Amérique latine verraient leur mortalité due au Covid-19 multipliée par un facteur de 2,7 (Brésil) à 17,8 (Argentine). La Colombie connaîtrait au 1er octobre 9,7 fois plus de morts qu’au 3 juillet. La mortalité du Chili, de l’Équateur, du Pérou serait 2,5 à 3 fois celle de la mortalité française actuelle, et celle du Brésil, de la Colombie, du Mexique de 1,5 à 2 fois. C’est-à-dire autant ou bien plus que les désastres belges ou britanniques.
Mais ce n’est pas le pire. Certes, un durcissement des mesures sanitaires et de la discipline individuelle sauverait 29 000 vies dans ces 5 pays. À l’inverse, leur relâchement, et nous l’observons déjà, est catastrophique, et il l’est particulièrement au Chili et en Colombie. Au Chili, ce scénario sombre causerait 32 000 morts de plus, multipliant par 9,6 le nombre de décès.
Quant à la Colombie, ce serait l’horreur absolue. Ce n’est plus quelques-unes de ses villes qui seraient des martyres, mais le pays entier : ce serait le pays le plus meurtri de la planète. Le nombre de morts actuels y serait multiplié par 44, et on compterait 3 200 morts par million d’habitants, soit 7,2 fois plus que la France. Le pire n’est jamais sûr, mais qu’il n’arrive pas dépend des autorités du pays, de chacun des Colombiens et d’une aide internationale massive. Pour être complet, en tenant compte des fourchettes d’estimation, dans 3 mois, ce pays comptera entre 13 000 et 228 000 morts*****, contre 3 700 aujourd’hui. Nous pouvons y sauver des dizaines de milliers de vies.

Écoutons Michael Ryan, responsable des urgences sanitaires à l’OMS, qui exhorte à sortir du déni et à réellement engager le combat contre la pandémie : « Il est vraiment temps que les pays regardent les chiffres. S’il vous plaît, n’ignorez pas ce que vous disent les chiffres » ******.
Le confinement a échoué et un vaccin demandera plusieurs mois. Ce combat, c’est une dictature sanitaire qu’il requiert dès aujourd’hui. Il n’est pas nécessaire d’être épidémiologiste pour savoir comment inverser la tendance, juste de les écouter : tester massivement ; contrôler les eaux usées ; isoler les personnes positives et potentiellement positives en structure d’accueil lorsque leurs conditions de vie (misère, logement, éducation, solitude…) ne le garantissent pas ; mobiliser police et armée pour faire respecter distances sociales (les files serrées comme des sardines, basta !) et port du masque (normes et contrôles) ; procéder à des confinements temporaires localisés sur les foyers ; instaurer la « loi sèche » jusqu’à la sortie de la crise ; décupler les capacités d’accueil hospitalières temporaires ; empêcher tout rassemblement, y compris lors d’enterrements ; stopper les journées sans TVA…
« Rien n’est plus précieux que l’indépendance et la liberté » disait Ho-Chi-Minh, et il avait raison. Mais pour cela, nous avons besoin de vivre.

(*) Population selon populationdata.net. Les projections ne sont pas disponibles à ce jour pour l’Afrique du Sud, la Chine, l’Éthiopie, l'Inde, l’Indonésie et le Nigéria.
(**) Selon l’université Johns Hopkins.
(***) La mortalité actuelle dans ces pays serait très supérieure selon l’IHME.
(****) Pour deux raisons. La létalité du Covid-19 est en ordre de grandeur de 0,6 % ; or, les morts représentent 3,4 % des cas : plus de 80 % des cas colombiens ne sont pas répertoriés, soit de l'ordre de 500 000, et le nombre de cas connus n'est pas significatif. La mortalité est également sous-estimée, mais dans une moindre mesure. D’autre part, rapporter le nombre de morts au million d’habitants est le seul moyen de faire des comparaisons.
(*****) Les plus de 70 ans représentent 5,6 % de la population colombienne, mais 48,8 % des décès : leur part dans cette hécatombe serait respectivement de 6 300 et 111 000. Entre 0,5 à 10% de cette classe d’âge disparaîtra.
(******) Le monde, 04/07/20