Enjeux, 02/05/17

Au-delà des falsifications grossières de Marine Le Pen, de l’inconsistance de la campagne d’Emmanuel Macron, de la cacophonie républicaine face au danger néofasciste, le choix auquel la France est aujourd’hui soumise a le mérite d’éclairer les enjeux du monde actuel : depuis une trentaine d’années, notre planète est confrontée à 3 séismes imbriqués…

La troisième mondialisation
Le libre-échange généralisé a pour effet de transférer des activités relocalisables (généralement industrielles) de pays à salaires « élevés » à des pays à bas niveau de vie. Cette relocalisation pèse sur l’emploi des pays à tradition industrielle, mais contribue à l’émergence de ceux qui n’en avaient pas (Asie, Méditerranée, Amérique latine…). Il s’agit d’une durable crise de transition, le rapprochement des niveaux de vie devant au-delà nous ramener à une concurrence plus équilibrée.
Les vagues migratoires
Durant la même période, les dramatiques inégalités entre le Nord et le Sud d’une part, les conflits qui se développent d’autre part, notamment au Moyen-Orient, dont l’origine remonte aux menées coloniales en général et à la déclaration Balfour de 1917 en particulier, ont généré des mouvements migratoires sans précédent. L’histoire, c’est d’abord l’histoire des migrations humaines, et notre histoire, c’est d’abord celle des migrations actuelles.
L’im-médiateté
Dans les années 30, la TSF avait pour la première fois fourni une caisse de résonance nationale instantanée à la voix de quelques privilégiés. Depuis les années 90, internet, ses sous-produits tels que les réseaux sociaux, ses concurrents comme la télévision d’information en continu ou les applications de marché en continu, donnent à chacun une caisse de résonance mondiale im-médiate, avec tous les risques que comporte cette communication incontrôlée.

La grosse erreur faite dans la campagne électorale française est l’oubli que ces phénomènes sont mondiaux. Pouvons-nous nous y opposer ? La réponse est claire : non. Nous avons devant nous des décades de système capitaliste et personne n’empêchera la mondialisation. Nous avons devant nous des décades d’inégalités et personne n’empêchera les vagues migratoires. Nous avons devant nous un temps indéfini d’accélération technologique et rien n’arrêtera l’im-médiateté de la communication planétaire.
Ils s’entremêlent profondément. La circulation des marchandises, la circulation des personnes, la circulation immédiate de l’information, licites ou non, sont 3 visages de la mutation qui se joue sous nos yeux.

Alors, faute de pouvoir refuser que le monde devienne chaque jour plus ouvert, que pouvons-nous ? Nous pouvons et devons militer pour une éthique commune, nous pouvons et devons militer pour la mise en place de lois communes. Je ne me donnerai pas le ridicule de proposer un programme, mais peux risquer 5 lignes de force parmi celles qui paraissent incontournables.

Premièrement, nos réponses ne peuvent être fournies en dehors d’un cadre démocratique respectueux des hommes, quelles que soient leur situation, leur idéologie, leur religion.
Deuxièmement, on ne fait pas un barrage contre le Pacifique, mais on peut et on doit travailler d’arrache-pied à résoudre les conflits et les inégalités à l’origine des mouvements de population, ainsi qu’à offrir des conditions de vie dignes aux migrants comme à ceux chez qui ils arrivent.
Troisièmement, face à de tels défis, l’union fait la force, et l’union suppose le dialogue. Le pays qu’est la France, grand par l’histoire, petit par la taille, moyen par la population et l’économie, ne peut y répondre seul. Les dysfonctionnements de l’Union européenne doivent être dépassés dans une Europe plus efficace, moins bureaucratique et plus humaine : ceci n’est possible qu’en évoluant vers le fédéralisme et non en cassant la confédération.
Quatrièmement, si nous ne pouvons lutter contre l’industrie des pays à bas salaires, la seule solution réellement efficace est de nous concentrer sur les métiers à forte compétence où ils ne peuvent nous concurrencer, et pour cela, d'innover et de former à une qualification élevée les salariés peu qualifiés.
Cinquièmement, n’oublions jamais que la crise de la mondialisation débouche sur une amélioration de la vie de milliards de personnes. Une autre mondialisation s’impose pour limiter les drames humains dont elle s’accompagne durant son ère de transition, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, et pour les panser. En Europe d’abord, dans le monde ensuite, elle suppose entre autres la marche la plus rapide possible vers une harmonisation fiscale, puis sociale.

Non, tous les politiques ne sont pas pourris, comme le répètent les mêmes depuis le général Boulanger. Un peuple conscient n’a pas besoin de démagogues, de sauveurs, de politiciens à courte vue et à géométrie variable. Il a besoin d’hommes d’État, de visionnaires capables d’accoucher l’histoire plutôt que de prétendre s’opposer à elle. Ils sont rares. Notre époque en fera-t-elle émerger ?

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