La quinzaine

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Un petit détour pour comprendre ce que peut-être la crise sociale générée par le covid-19 (de ce côté rien de nouveau, hélas) en Colombie : la quinzaine.
La quinzaine, c’est une institution en Colombie. Pas la Quinzaine littéraire, non… C’est le rythme auquel sont payés les salariés. Le rythme auquel ceux qui les fournissent peuvent être eux-mêmes payés. Autrement dit, le rythme auquel le pays respire.

Car le 1er et le 16, c’est la fête. Des files de 2 heures s’allongent devant les distributeurs automatiques, les magasins sont pleins (de monde) et se vident (de marchandises). Les coiffeuses et les bars à ongles ne désemplissent pas. Pleins encore, les bars, où s’empilent les cadavres de bière, et les grills : on n’y mange pas, sinon, des yeux, les strip-teaseuses qui se déhanchent en égarant leur parure sur le… grill.
Quatre ou cinq jours plus tard (je connais des gens à qui deux jours suffisent…), changement de décor : la solde est croquée et bue, et il reste dix jours à tenir jusqu’à la quinzaine. Mais on continue à vivre : on achète à crédit à la tienda (la boutique, qui peut s’appeler salsamentaría, charcutería, granero sans que cela ne change rien à ce qu’on y vend, c’est-à-dire à peu près tout : tout ce qui peut servir dans une maison colombienne…).
Mais il faut aussi des habits, des chaussures, de menus objets… Pour cela, on a une sœur dont la copine a une cousine qui propose des affaires en or. Elle voyage par exemple à Medellín, ruche commerciale où on trouve tout à bon prix, pour revendre ensuite à Cali ou Cartagena à 50 % plus cher. Enfin… en théorie, c’est-à-dire con la plata : avec la thune. Parce que comme la quinzaine n’est pas finie, la thune, la maille, l’artiche, on ne l’a pas, justement. Donc on vous vend fiado : avec la confiance, un crédit qu’on payera à la fin de la quinzaine — ou des quinzaines —, mais alors… 100 % plus cher.
Malheureusement, cela ne suffit pas toujours. Heureusement, il reste les compraventas : les achats-ventes, ou, si vous préférez, Chez ma tante, ou le mont-de-piété, ou le clou. C’est un commerce florissant : des rues entières sont égayées par les façades jaunes des compraventas. Plus rien pour remplir le frigo ? Pas de souci, vous prenez le frigo et l’amenez chez cette « pieuse » « tante », qui se fait une joie de vous prêter la valeur du frigo, déduction faite bien sûr de son usure, usure qui définit justement — que la vie est bien faite — le taux d’intérêt qui vous sera demandé pour récupérer le frigo quand vous aurez touché de quoi le dégager : un modique 20 % mensuel. Si ce n’est pas le frigo, rien n’empêche de déposer le lave-linge, l’alliance, le blender, le téléviseur, la moto, l’equipo, cet « équipement » qui régalait joyeusement tout le quartier d’un bonheur de décibels.
Des rues entières aux couleurs des compraventas... San Antonio, Medellín,
Il y a toutefois une limite : le dépôt ne peut excéder quatre ou six mois. Passé ce délai, le frigo reste acquis à la compraventa, qui le revendra énormément plus cher (pourquoi y achète-t-on d’occasion ce qu’on aurait neuf en supermarché pour le même prix ? Mystère) — ce qui vous laisse la possibilité de racheter votre cher bon vieux frigo en le payant une deuxième fois…
Heureusement, il n’en va pas toujours ainsi : la quinzaine approche, au grand soulagement des familles, qui peuvent parfois rembourser les dettes semées à la tienda, chez la cousine de la sœur de la copine, et dégager le frigo à la compraventa, pour enfin vivre cinq jours de bonheur (ou deux, si on y va fort sur la cerveza — la cervoise, enfin — ou l’aguardiente — l’eau ardente, quoi — avec la dame du second bureau), puis tel Sisyphe recommencer jusqu’à la quinzaine suivante.
Car ces heureux vont toucher la quinzaine : la moitié de la population n’a pas cette chance, emploi informel oblige. Elle mange le soir (et parfois, dort le soir !) avec ce qu’un petit métier ou la vente de rue lui a donné la journée. Comment payer le reste ? En empruntant bien sûr, mais pas dans une banque : inutile de seulement songer à y faire la queue ! Non : à ceux qui, eux, lâcheront, sans garantie, mais non sans usure, l’oseille gagnée dans des trafics en tout genre. Parfois, c’est un crédit gota a gota : remboursement goutte à goutte, c’est-à-dire quotidien, sur les maigres rentrées du jour. Et croyez-moi, chez ces gens qui ont prêté « sans garantie », mieux vaut ne pas oublier une échéance. De temps à autre, on retrouve le corps d’un emprunteur distrait, égorgé ou criblé de balles…
Vous vous demandez où est la logique ? Pour une part la dèche, pour une autre la culture. Les deux sont profondes. Vous trouvez que ces gens sont bizarres ? C’est que vous ne vivez pas au jour le jour, que vous n’achetez pas votre huile au verre et vos cigarettes à l’unité. Que vous commencez le mois avec un budget, large ou serré, mais avec lequel vous savez ce que vous pourrez acheter pour garnir un frigo que, ça tombe bien, vous n’aurez pas besoin d’aller accrocher au clou.

Quincena

La quincena es una institución en Colombia: es el ritmo al cual se paga a los asalariados. Es decir, el ritmo al que se puede pagar a los que lo proporcionan. El ritmo al cual respira el país.
Porque el 15 y el 31, es un día de fiesta. Las colas se alargan delante de los cajeros, las tiendas se llenan (de gente) y se vacían (de mercancías). Las peluquerías y los bares de uñas nunca quédanse sin clientes. También llenas las tabernas, donde se apilan botellas muertas, y los grills: no se come allá, si no, por los ojos, a las strippers, que mueven sus caderas mientras pierden sus adornos en el... " grill".
Cuatro o cinco días después (conozco a quien bastan dos…), cambio de escenario: la paga fue comida y bebida, y quedan diez días hasta la quincena. Pero se sigue viviendo: se compra a crédito en la tienda (que puede llamarse salsamentaría, charcutería, granero… sin que cambie nada de lo que se vende allí, es decir todo: todo lo que pueden usar en una casa colombiana...).
Pero se necesitan también ropa, zapatos, varios objetos... Para eso, la prima de la amiga de su hermana propone chollos. Viaja por ejemplo a Medellín, una colmena donde se puede encontrar todo a buen precio, y luego revenderlo en Cali o Cartagena al 50% más… en teoría, pues con la plata. Precisamente, no llego la quincena, y la plata, la pasta, la guita, no se la tiene. Así que se vende fiado: con un crédito que paguen al final de la quincena - o quincenas, pero entonces... 100% más caro.
Desafortunadamente, eso no basta siempre. Afortunadamente, aún hay compraventas: lo que llaman en francés Chez ma tante (Donde mi tía). O el mont-de-piété (montepío). O le clou (el clavo). Es un negocio floreciente: calles enteras se iluminan con las fachadas amarillas de las compraventas. ¿No queda nada para llenar la nevera? No se preocupe, coge la nevera y llévasela a esta "piadosa" "tía", que estará encantada de prestarte el valor de la nevera, menos el desgaste, mediante la usura con la cual se desempeñará la nevera cuando bastara el dinero por eso: un modesto 20% al mes. Si no es la nevera, nada le impide empeñar la lavadora, el anillo de bodas, la licuadora, el televisor, la motocicleta, el equipo, este "equipo" que alegremente regalaba a todo el barrio una felicidad de decibeles.
Sin embargo, hay un límite: el depósito no puede exceder cuatro o seis meses. Después de este período, la nevera sigue siendo adquirida por la compraventa, que la venderá a un precio mucho más alto (¿por qué la gente compra allá de segunda al precio del nuevo en un supermercado? Misterio) - lo que deja la posibilidad de volver a comprar tu querido y viejo frigo pagándolo por segunda vez...
Afortunadamente, no siempre es así: la quincena se acerca, para gran alivio de las familias, que pueden pagar las deudas sembradas en la tienda, con la amiga de la hermana de la prima, y sacar la nevera en la compraventa, para vivir finalmente cinco días de felicidad (o dos, si se tiene una mano pesada en la botella con la amante) y luego, como Sísifo, para empezar de nuevo hasta la próxima quincena.
Porque estos bienaventurados ganarán la próxima quincena: la mitad de la población no es tan afortunada, contentándose de un empleo informal. Ellos cenan (y a veces duermen por la noche) con lo que su oficito o venta callejera les ha dado durante el día. ¿Cómo pagar el resto? Tomando prestado, por supuesto, pero no de un banco: ¡no tiene que pensar en hacer la cola allí! No, de los que, por su parte, dejarán ir sin garantía, pero no sin usura, la pasta ganada en cualquier tipo de tráfico. A veces será un préstamo gota a gota: es decir, un pago diario, sacado de los escasos ingresos del día. Y créame, a los que han prestado "sin garantía", es mejor no dejar de pagar. De vez en cuando, se encuentra un cuerpo de prestatario olvidadizo, garganta cortada o acribillado a balazos...
¿Usted pregunta dónde está la lógica? Por una parte, es quiebra, por otra, cultura. Ambas son profundas. ¿Usted encuentra esta gente rara? Es que no vive del día a día, que no compra su aceite por vaso, ni sus cigarrillos por unidad. Es que empieza el mes con un presupuesto, grande o pequeño, pero con que sabe lo que puede rellenar la nevera que, menos mal, no tenga que ir colgar al clavo.

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