Monte Alegre, 25/03/16
Par Dominique Sarr le 10/04/2017, 18:15 - Chronique - Lien permanent
Le nid d’Aigle d’Erice, en Sicile occidentale, tous les peuples de la Méditerranée y sont passés, et même les Normands. Tous y ont vu un lieu magique, marqué par le destin, un lieu de contact privilégié avec les puissances de l’au-delà. La même force d’attraction s’est-elle manifestée à Monte Alegre, en Amazonie ?
Monte Alegre est aujourd’hui une commune plus grande que la Franche-Comté, pour… 55 000 habitants ; elle est située sur l’Amazone, en aval de Santarem. C’est surtout, à une quarantaine de kilomètres, un des seuls reliefs de la basse Amazonie, où il culmine à moins de 250 m (*).
Cette « montagne » est le lieu des plus anciennes peintures et gravures rupestres d’Amérique du Sud. Elles ont d’accès assez difficiles, et je ne les connaîtrais pas sans l’exposition que leur a consacrée le Musée Emílio Goeldi de Belém. Ce qu’on en voit est magnifique. Les gravures sont comme souvent plus difficiles à distinguer, mais les fresques où dominent les rouges vifs tranchent sur les couleurs de la roche et de la forêt. Elles sont d’autant plus somptueuses qu’elles s’inscrivent dans ce paysage grandiose et y puisent une force surprenante.
Elles datent de 11 500 ans ; on n’a pas de traces de peuplement plus anciennes en Amazonie (pour l’ensemble du Brésil, les plus anciennes remontent à 17 000 ans). Sont-elles le vestige de la première occupation de la région, ou d’autres ont-elles été englouties par la forêt équatoriale ?
On sait que pour nos ancêtres lointains – comme d’une autre manière pour Michel-Ange ou Le Gréco – l’art est sacré avant de revêtir une fonction esthétique ; il est d’abord un moyen magique d’agir sur le monde. On peut imaginer que les hommes qui ont les premiers fréquenté ces lieux, qui peut-être voyaient une montagne pour la première fois de leur vie, ont été éblouis par ces escarpements rocheux et y ont vu, comme à Erice, un lieu élu d’alliance avec les forces surnaturelles.
(*) L’altitude de Porto Velho, à 3 000 km de l’embouchure, est de 83 m, soit une pente moyenne de moins de 3 o/oo.