Volatilité, 16/04/17

Dans une semaine, 9 des 11 candidats à l’élection présidentielle française seront éliminés. Nous pouvons avoir une certitude : il y aura des surprises, peut-être de grosses surprises, et probablement des morts…

Car la caractéristique la plus frappante de l’année écoulée aura été la volatilité d’un électorat flambant comme un feu de paille, aussi prompt à s’éteindre qu’à s’embraser.

Il y a d’abord eu l’engouement pour Emmanuel Macron, météore de la politique, inconnu du grand public avant sa nomination au ministère de l’Économie le 26/08/2014. Deux ans plus tard, le 30/08/2016, il démissionne, arguant de désaccords avec François Hollande, personne n’étant dupe de ce qu’il prépare en réalité sa candidature. Sa « cote d’avenir » reprend l’ascension vertigineuse qu’elle avait connue lors de sa première année à l’Économie, jusqu’à 41 % à ce jour. Si les sondages le donnent régulièrement au niveau de Marine Le Pen, il enregistre en revanche un tassement faible mais continu depuis le pic du 15 mars.
Il y eut ensuite la bulle François Fillon. Parti du diable Vauvert dans la course à la primaire de la droite, son positionnement de droite extrême et ses roucoulades aux intégristes, en un mois, il écrase un Nicolas Sarkozy obsolète, mais surtout un Alain Juppé que tout le monde voyait déjà à l’Élysée : il est désigné le 27/11/2016 par 66,5 % des votants. Deux mois plus tard, le 25/01/2017, le Canard enchaîné sort le scandale des emplois, selon toute apparence fictifs, de sa femme. En quelques jours, il passe de favori de l’élection à brebis strausskahnienne méprisée par l’opinion et lâchée par ses soutiens. De janvier à avril, sa cote d’avenir s’écroule en permanence, même quand il parvient à reconstituer une partie de son socle électoral : de 41 à 18 % aujourd’hui.
Il y a enfin l'étonnant sprint final de Jean-Luc Mélenchon, promis au rôle d’éternel trublion, qui avait failli être la surprise de l’élection de 2012 et qui fait mieux cette année ; sa cote d’avenir, située habituellement entre 20 et 30 %, était montée à 46 % en mai 2012, pour atteindre actuellement 47 %. Assez pour créer le seul événement marquant du dernier mois de campagne, où il laisse sur place son rival direct Benoît Hamon, et dépasse désormais François Fillon.

En un an, non contente d’avoir éliminé 2 ex-présidents et 2 ex-premiers ministres, l’opinion publique s’est ainsi donnée corps et âme au candidat d’un nouvel extrême centre, au candidat de la droite extrême et au candidat de la gauche radicale sinon de l’extrême gauche, sans compter que durant tout ce temps la candidate de l’extrême droite continue de séduire ¼ de l’électorat (tant pour sa côte d’avenir que pour les intentions de vote) et d’être détestée par la plus grande partie des ¾ restants.
Il est de bon ton de moquer les auteurs des sondages qui n’ont rien prévu des résultats du Brexit, de Trump, du Non à la paix en Colombie, mais un sondage n’est pas destiné à prévoir : nous ferions mieux de moquer ceux qui ne savent pas les lire. Ils ne font que traduire l’extraordinaire volatilité de l’opinion d’aujourd’hui. Déçue et dégoûtée par la classe politique, amère devant les difficultés d’une crise que nous commençons à peine à voir reculer, celle-ci est prompte à se prostituer à tous les sauveurs que la Fortune se joue à lui jeter en pâture. « Malheureux le pays qui a besoin de héros », faisait dire Bertolt Brecht à Galileo Galilei…

Ces 4 candidats se tiennent aujourd’hui dans la marge d’erreur des enquêtes d’opinion. Le résultat sera-t-il serré dans une semaine ? Rien n’est moins sûr. Le premier parti de France reste l’abstention : que celui-ci vote et le résultat sera bouleversé. Le second est celui de l’indécision : un coup de vent emportera les bulletins des uns et des autres. Parmi les 4, certains s’écrouleront au pied des isoloirs et d’autres gagneront le jackpot. Dans ces votes de dernière minute, l’irrationnel, la peur, la colère peuvent être décisifs : ce ne sont pas de bons conseillers.
Tout peut encore arriver, avec le risque terrible de déboucher sur un second tour opposant extrême droite et droite extrême, qui plus est flétri par les malversations de leurs 2 représentants.

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