La revanche d'Uribe, 02/10/16

« La voix de la raison (devrait) malgré tout l’emporter », ai-je conclu un peu vite une semaine avant le référendum colombien. Elle ne l’a pas fait : comme lors du vote du Brexit, le populisme a triomphé en déjouant tous les pronostics et, comme David Cameron, Juan Manuel Santos a joué avec le feu…

Bogotá, 02/10/16, 21 h

Comment expliquer qu’après des sondages donnant de 55 à 65 % au Sí, le No l’ait emporté par 50,2 % ?
El Espectador note que le cyclone Matthew a empêché de voter 4 millions d’électeurs de la côte caraïbe, favorable au Sí. Ceci a pu suffire à le priver des 54 000 voix qui lui ont manqué, mais n’explique pas son effondrement.
Le même quotidien relève que l’abstention est la plus élevée des 22 dernières années : combien d’électeurs favorables au ont cru la partie gagnée d’avance ? combien ont voté No en pensant que cela ne changerait pas le résultat ? Les sondages se sont-ils trompés, ou ont-ils faussé le scrutin ? De fait, l’abstention a été massive sur la côte caraïbe, les îles et l’est amazonien, régions favorables au Sí.

Le cœur du pays, relativement moins touché par la guerre, a voté "No"*, 02/10/16

Il reste une raison de fond : l'accord de paix pouvait paraître très favorable aux FARC (amnistie, garanties financières…) et ceci a beaucoup pesé contre lui dans les classes les moins favorisées, les plus sensibles au matraquage populiste. La Silla vacia, qui titre « La Colombie a dit non et reste coupée en deux », estime que le résultat traduit « un rejet et un profond manque de confiance vis-à-vis des FARC ». Telle est bien mon impression. Et pourtant, sur les 81 communes les plus touchées par la guerre, La Silla vacia relève que 67 ont voté Sí, souvent massivement, contre 14 No…
À ces 3 raisons, El Tiempo ajoute de manière moins convaincante le vote urbain (démenti par Bogotá) et le poids personnel d’Álvaro Uribe, principal vainqueur du scrutin.
Interrogé, le chauffeur de taxi qui m’a fait traverser Bogotá m’a répondu : « Je suis content du vote, mais inquiet pour l’avenir ». Il le peut, personne aujourd’hui n’est capable de le prédire…

* Source : La Silla vacia, article cité.

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