Histoire d’une ville, 05/09/16

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Les villes aussi peuvent avoir plusieurs vies, et la Ciudad de Panamá vit aujourd’hui sa 4e vie…

La Panamá amérindienne
Les premiers Amérindiens ont dû traverser l’isthme de Panamá quelque 10 ou 15 000 ans avant notre ère, mais les premières installations stables ne remonteraient pas à plus de 1 500 ans AC. Plusieurs peuples s’y sont sans doute succédé ou mélé : des groupes chibchas, des Cuevas… À l’arrivée des conquistadors, Panamá était un de leurs villages sur la côte pacifique. Ils vivaient principalement de la pêche de coquillages et de poissons, mais aussi de la chasse, de la collecte et de la culture du maïs.

Maisons amérindiennes du Panamá, gravure, Gonzalo Fernández de Oviedo (1535), Musée de Panamá Viejo, septembre 2016

Panamá Viejo
En 1519, Pedro Arias Dávila fonde la ville de Panamá sur le site de l'actuel Panamá Viejo. Initialement, la présence indienne est un atout pour la fondation de la ville, qu’ils nourrissent. Vingt ans plus tard, les Cuevas étaient exterminés. La ville sera détruite 3 fois : en 1621 par un tremblement de terre, en 1644 par un incendie et en 1671 par le sac du pirate Henry Morgan. La troisième fois, décision est prise de la délocaliser 8 km au sud, dans ce qui est devenu le Casco Viejo (la « vieille ville »). Beaucoup de villes latinos ont subi ce sort : Guatemala et Veracruz par deux fois, León, etc.

Panamá Viejo, la cathédrale, septembre 2016

La ville coloniale
Je devrais dire néocoloniale, la plupart des bâtiments actuels étant postérieurs à la geste bolivarienne*. Mais elle n’a pas été trop défigurée : elle en a conservé le plan et le cachet. Le transfert de 1671 a donné lieu à un petit miracle : la façade de l’ancienne église de la Merced était intacte et a été transplantée en même temps que les habitants. Aujourd’hui, le Casco Viejo est surtout un lieu de loisirs et de tourisme. Des norias de voitures viennent s’y embouteiller le week-end…

La façade de l’église de la Merced, miraculeusement sauvée de la ruine, Ciudad de Panamá, Casco Viejo, septembre 2016

La City latino
La ville moderne s’est déployée entre ses deux devancières, et bien au-delà. Moi qui ai été allaité au gothique flamboyant, qui ne jurais à 20 ans que par le roman et qui suis devenu amoureux fou du baroque méditerranéen ou colonial, je dois reconnaître que la skyline de Panamá City a une putain de gueule. Peut-être la plus moderne, la plus occidentale et la plus riche des villes d’Amérique latine, reconvertie dans la finance, elle est effectivement devenue une autre City ou une Singapour latino. Les Panamá papers ne doivent rien au hasard.

Bateaux échoués et Babels insolentes, Ciudad de Panamá, septembre 2016

Entre les villes…
Entre le Casco Viejo et les gratte-ciels de la ville moderne, s’allongent la très animée Avenida Central et le quartier glauque de Santa Anna : c’est la Panamá populaire, vivante, colorée, caribéenne, multiethnique, avec tous les petits métiers que cela laisse imaginer. Et au-delà des fastes de Panamá City s’étendent des banlieues d’une uniformité consternante ou misérables…

Famille indigène, avenida Central Ciudad de Panamá, septembre 2016

Même si ce n’est pas dans leur splendeur originelle, la Ciudad de Panamá a donc pu conserver quelques noyaux de son passé.
Finalement, sans tremblement de terre et sans Henry Morgan, que resterait-il aujourd’hui de l’extraordinaire Panamá Viejo ? Comme relevé à propos des villes brésiliennes, l’abandon et le désintérêt économique sont les meilleurs conservateurs du patrimoine urbanistique et architectural qui soient.
A contrario, l’argent est bien plus destructeur que les tremblements de terre…

* L’indépendance de l'actuel Panamá a été acquise en 3 temps : celle de la Grande Colombie en 1821, la séparation du Panamá en 1903 et la récupération de la souveraineté sur la zone du canal en 1999 – ce qui n'empêche pas les États-Unis de considérer encore celui-ci comme une voie d’eau intérieure et de s’y arroger une priorité pour leurs bateaux !

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