Ilhéus, 02/03/16

Ce n’est pas un choix, mais un hasard bienheureux, ces carnets commencent à Ilhéus ; mes voyages, non, mais leur vague chronique. J’y marche dans les pas du maître, le maître que je n’ai pourtant jamais rencontré : Jorge Amado y a passé son adolescence (1921 à 1931) et l’a toujours considérée comme sa ville. Initialement : São Jorge dos Ilhéos, Saint Georges des Insulaires… À cause des îlots qui saupoudrent les alentours. São Jorge dos Ilhéus : c’est aussi un de ses romans.

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Il est partout : en statue de bronze devant sa maison-musée ou de plâtre à une table de son Vesúvio, sur le nom des rues, dans l’enseigne des restaurants et des boutiques voués à Gabriela, aux Capitaines des sables, à lui-même… Mais une seule librairie, apparemment, et bien peu d’ouvrages de lui ! Ainsi est la gloire. On retient la surface des choses, on se moque de leur fond.

Église Matriz de São Jorge (fin du XVIIe), Ilhéus, février 2016

La maison d’Amado est surtout émouvante (la Fondation de Salvador est bien plus riche), la cathédrale tient d’une pièce montée passée par Disneyland, São Jorge est toujours fermée… Mais quelques très belles œuvres à la Casa de Arte Baiana, et chez son voisin Goca Moreno, la chance d’une très belle expo Índios na Janela (Indiens à la fenêtre), avec la collection personnelle d’objets de Silvan Barbosa Moreira (ex-FUNAI) et les excellents portraits de Gildásio Rodriguez. En prime, danse des tupinamba du village voisin d’Olivença sur la place en fin d’après-midi. Métissés sans doute de noir et de blanc, mais porteurs d’une tradition.

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Et puis il y a les plages, kilomètres de sable inhabité… Le site, dans les méandres du rio Cachoeira, est pour tout dire enchanteur, et la ville est pleine d’un charme indolent. On aimerait y vivre. Une atmosphère paradisiaque qui cache bien la dureté de la périphérie (57.3 homicides pour 100 000 habitants, 41e ville la plus violente du Brésil) et de l’arrière-pays du cacao…
Ce matin la belle endormie s’est réveillée : une croisière Buenos Aires – Salvador y fait escale. Tout ce qu’Ilhéus compte de vendeurs et de camelots est dans les rues – presque autant que d'Argentins.

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Pas une foule de choses à voir, donc. Mais une ville commence à m’intéresser quand j’en ai fini avec le tourisme, quand je n’ai plus rien à y faire, qu’y flâner, y écrire, y faire des rencontres, comme un personnage de Jorge Amado, attablé ou non avec ses copains échoués eux aussi devant quelques cadavres de cervejas, malades de la vie mais riches d’humanité.

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