L’Amazone, 28/03/16

Belém – Manaus par l’Amazon Star : 1 750 km, 5 jours de bateau, 10 escales, 2 fuseaux horaires… Un rêve caressé il y a 2 ans à Recife, reconquis subitement à Ilhéus voici un mois en bousculant mes projets, et devenu aujourd’hui réalité.

L'amazone, région de Gurupá, mars 2016

C’est moins romantique et aventureux qu’on peut l’imaginer. Ici, pas de route et pas de bus : la ligne fluviale est le moyen de transport de ceux qui ne peuvent se payer l’avion, et le seul pour beaucoup de villes. Quatre bateaux se relaient pour la liaison hebdomadaire.

Estuaire de l'Amazone : le paradis terrestre ? mars 2016

Banalité : c’est l’immensité qui frappe : celle du fleuve lui-même, large de 5 et parfois 20 km, premier fleuve du monde, notamment par son débit : la somme des 6 autres plus grands fleuves suivants. Seul lui tient tête le Nil pour la longueur. Mais l’immensité est aussi celle de son bassin et de sa forêt ; l’Amazonie occupe plus de 5,5 millions de km2, plus que toute l’Union européenne.

De Belém à Manaus, sur des centaines de kilomètres, une superposition infinie et mouvante de camaïeux : les ocres argentés du fleuve, les verts bleutés de la forêt, les gris bleutés du ciel.

Les ocres argentés du fleuve, les verts bleutés de la forêt, les gris bleutés du ciel... mars 2016

Venise végétale à la dimension d’un continent, aux palais de verdure, cisaillée d’innombrables rivières. Quelle armée de guerriers pour bâtir cet empire ? Quelle armée d’architectes pour édifier ces constructions verdoyantes, cette végétation savamment étagée qui dévore tout ce qu’on lui abandonne, tout, sauf l’eau, qui la parcourt, l’irrigue, s’insinue partout ? Quelle armée d’artistes pour sculpter ses colonnades aux hauts fûts, peindre ses fresques, les arabesques de ses lianes, les milliers de formes de ses herbes, de ses feuilles et de ses palmes ? Aucune ! Seulement le hasard et la nécessité au cours de milliards d'années. Seulement une nature sans autre projet que l’incertitude dans la reproduction. Le seul génie de la nature, c’est la capacité à l’erreur. Le temps et les conditions du moment décident des erreurs méritant de se perpétuer et des culs-de-sac de l’histoire naturelle.

Le coupable ? Le rio Solimões. Le Rio negro, lui, est... bleu. Mars 2016

Mais autre chose frappe bientôt : la déchirure, de la main de l’homme, de cette fastueuse élaboration. La forêt primaire semble absente au bord du fleuve. Paradoxalement, c’est dans le labyrinthe de l’estuaire qu’elle paraît le mieux préservée et, plus on va vers Manaus, plus elle laisse de place aux élevages ou aux usines. Deux de mes compagnes de mes voyages ont eu exactement la même réaction scandalisée devant les trains de bois de coupe sur la rive. De l’Amazone, on voit sa colonisation, on ne voit pas l’Amazonie…

Déforestation, mars 2016

Au-dessus de nous, les nuits limpides, brillait la Voie lactée : 100 milliards d’étoiles, autant ou plus de planètes. « Ce qui peut arriver finit par arriver », dit la (vraie) loi de Murphy ; c’est une certitude statistique : sur les 10 ou 20 milliards de planètes telluriques de notre galaxie, 1, 5, 10… sont vivantes, ou l’ont été, ou le deviendront. Et sur certaines, une autre Amazonie, sûrement différente, mais tout aussi riche et complexe, suivant les mêmes lois de la même nature. Et ainsi encore dans chacune des 100 milliards d’autres galaxies… Combien au bout du compte, y a-t-il d’Amazonies ?

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