Lavage au jet, 18/03/16

Le Lava jato, énorme scandale de corruption mêlant politiciens (PT, PMDB, PP…) et grandes entreprises (Petrobras, BTP…), doit son nom (littéralement : Lavage au jet) à l’affaire de blanchiment dans une station-service de Curitiba par laquelle le petit juge Sergio Moro l’a débusquée. Il y a deux aspects dans le Lava jato...

L’affaire elle-même, plus grand scandale de l’histoire du Brésil, impliquant aujourd’hui 170 hauts dirigeants. Naturellement, la lumière d’abord, la justice ensuite, doivent être faites, qui que soient les ripoux et quelle que soit leur position.

Le règlement de comptes, ensuite. C’est, pour l’opposition, l’occasion de venir enfin à bout du PT (Parti des Travailleurs) au pouvoir depuis 2002. Comme pour ses alliés : le patronat, les grands médias (Globo, Veja, IstoÉ…), une partie de la magistrature. Comme pour certains mis en cause : le président de l’Assemblée fédérale Eduardo Cunha, incriminé et s’estimant lâché, a réussi à lancer une procédure de destitution contre la présidente Dilma Rousseff.

Lava jato ou lavage de cerveau ? "Lula commandait le système", "Assez", "Un gouvernement assiégé"...

Les opposants ont peu à peu fait de Lula, l’ancien président charismatique, leur cible privilégiée. « Dehors Lula », alors… qu’il n’exerce aucune fonction : ils savent qu’ils ne seront débarrassés du PT que si lui aussi est emporté par la tempête. Mais s’attaquer au mythe Lula au Brésil n’est pas sans risque : ils dressent ainsi contre eux sa base sociale, que Lula a en partie tirée de la misère au cours de ses deux mandats.

La tension est aujourd’hui très vive entre soutiens et opposants au gouvernement. Dans un climat préinsurrectionnel qui n’est pas sans rappeler celui du Chili de Pinochet (même si un coup d’État militaire a peu de chances de survenir), le « débat » n’a plus grand-chose de rationnel et relève maintenant de la haine et des coups bas plus que de la politique.

Le rapport des forces actuel est très défavorable au pouvoir. D’abord parce que l’opposition, pourtant elle-même impliquée dans des scandales, semble ici avoir la morale pour elle et qu’une profonde colère secoue la population. Ensuite parce que le front de l’opposition fonctionne : 3 millions de manifestants contre le gouvernement le 14 mars, 300 000 pour lui le 18. Enfin parce que Dilma est aussi empêtrée dans la crise économique et qu’elle a perdu une grande partie de ses soutiens de gauche. La faute de la nomination avortée de Lula au gouvernement pour qu’il puisse échapper aux poursuites (alors qu’il est manifestement intègre) n’arrange rien.

Il y a peu de chances que Dilma Rousseff parvienne à la fin de son mandat en 2018. La question est plutôt de savoir comment elle sera contrainte au départ, et quelle casse morale, sociale et politique cette situation délétère laissera derrière elle.

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