Les couleurs de Trinidad, 02/07/16

Je m’abîme les pieds sur les galets de tes rues,
je respire l’aigre parfum du crottin de tes chevaux,
j’étouffe sous ta chaleur suffocante.
Ton air, ce n’est que de l’eau
Trinidad.

Trinidad, juillet 2016-20160703_121324-Trinidad-montagne-opt

Ce n’est qu’une eau qui vient saccager mes poumons.
Pourquoi faut-il que je supporte ça ?
Pourquoi est-ce que je prends plaisir à supporter ça ?
Trinidad,

Tes fenêtres à simples barrotes me rappellent les moucharabiehs plus riches
de Séville ou de Santiago de Cuba, comme ceux
de la maison de Diego Velázquez à Santiago de Cuba.
N’es-tu pas, comme Santiago l’Africaine, la fille de Diego Velázquez ?*
Trinidad,

À la centième question,
« Where are you from »,
chaque jour, pour la centième fois je réponds
« No entiendo inglés ».
Pour qui me prends-tu
Trinidad ?

20160703_122328-place-San-Francisco-opt

¡Cubano soy, soy Cuba!
Le frère, le père, le fils de tous ceux
que je vois assis à la fraîche
sur le seuil de tes maisons trop basses,
si heureux de vivre
et si malheureux de leur vie.
Un frère,
Camarade,

qui souvent laisse au restaurant
quinze jours de salaire d’un de tes enfants
– que veux-tu, ma vieille,
je suis aussi là pour leur laisser un peu de mon blé.
Bien sûr ils m’entubent un peu
mais ça fait partie du jeu,
Trinidad.

Vierge à l’enfant, Trinidad, juillet 2016-20160703_191747-Simara-opt

Et je me perds avec délice dans tes artères.
Leur fouillis, quel joyeux bordel :
un Gato n’y retrouverait pas son saxo…
Finalement,
Trinidad,

tu es une vieille pute :
une vieille pute qui se donne sans barguigner
– car tu ne fais jamais payer, n’est-ce pas ? –,
à tous ceux qui t’aiment,
– et tout le monde t’aime, n’est-ce pas
Trinidad ? –,

qui s’étale offerte alanguie voluptueuse pour leurs yeux ?
À qui les façades maquillées de tes demeures sans âge
lancent des œillades colorées.
N’as-tu pas honte,
Trinidad ?

Trinidad, juillet 2016-20160703_190451-Trinidad-centre-opt

Ton cœur est donc si grand ? Qui m’aurait dit,
Trinidad,

qu’un jour j’aimerais une pute de 502 ans ?
Qui m’aurait dit qu’une pute de 502 ans
puisse receler tant de charmes
et offrir à tant d’hommes tant de douceur et de paix ?
Et à leurs femmes, et à leurs femmes !
Trinidad, Trinidad…

Ruines de Santa Ana, Trinidad, juillet 2016-20160702_190500-Santa-Ana-opt

(*) Diego Velázquez de Cuéllar, conquistador de Juana (en espagnol) ou Cuba (en taïno) sur ordre de Diego Colón, a fondé Trinidad en 1514 et Santiago de Cuba en 1515.

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