Visiter La Havane, 30/06/16

Pourquoi La Havane exerce-t-elle une telle séduction ? Bien sûr, il y a son architecture coloniale ou néocoloniale, bien sûr il y a les splendides américaines d’avant l’embargo, bien sûr la vétusté de l’une et des autres ajoute-t-elle à la nostalgie, bien sûr il y a les palmiers sur fond de ciel tropical, bien sûr il y a le charme époustouflant des Habañeras. Mais non, il doit y avoir autre chose, qui échappe à l’entendement, autre chose d’indéfinissable dans l’atmosphère de cette ville…

Cela nous toucherait-il de la même manière si c'était restauré ? La Havane, mai 2015

Sa cathédrale coupe le souffle. Si l’intérieur est beau sans être exceptionnel, sa façade est la plus belle que je connaisse. Alejo Carpentier a dit qu’elle était « musique devenue pierre », et il avait raison. La pierre utilisée dans sa construction est pour beaucoup dans son équilibre. Elle est dure en même temps que poreuse, comme celle des bâtiments alentour : elle révèle la gravité de la conquête des Amériques. On peut la contempler des heures : rien n’est superflu, rien ne peut y être ajouté. Et la place sur laquelle elle s’offre est l’exact écrin qu’il fallait pour la mettre en valeur.

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Je parlais de l’incohérence des villes brésiliennes : La Havane, c’est la cohérence même* ; dans toute la Habana vieja, mais aussi dans les rues étroites du centre ou du 10 de Outobre, dans le Vedado moderne, dans les vastes et luxueux espaces de Miramar, flotte un esprit habañero. Tout est délabré ? Oui, souvent. Mais l’esprit, l’esprit habañero est bien là.
Et l’esprit de La Havane, c’est sa musique. On dit que les caravelles lourdes des richesses de l’Amérique se concentraient durant plusieurs semaines à La Havane pour faire route en convoi vers l’Espagne afin d'échapper aux pirates, et que ceci a signé le destin de la ville : que pouvait-on faire tout ce temps à La Havane, sinon la fête ? Son, salsa, rumba, pachanga, bolero… sont omniprésents. Les restaurants de La Habana vieja en sont baignés. On y joue en boucle Chan Chan (Compay Segundo), Comandante Che Guevara, mais aussi La fille d’Ipanema et Les feuilles mortes à la salsa cubana… Bonheur tout frais : le concert de José Luís Ferrer au Cine Chaplin, emportant 6 ou 700 personnes dans des rythmes subtils et forcenés, déclenchant l’hilarité générale par ses piques contre le régime de Fidel et de Raúl ou contre les maris irresponsables.

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Pas de fête sans rhum. À Cuba, puis à Saint-Domingue, j’ai redécouvert ce qu’était le rhum : une infinité de merveilles sous toutes ses formes. Je me fais mon propre cocktail à l’Añejo reserva (un crime !), le Dominique, paraît-il… mais je ne manque pas de rendre un culte quotidien à Hemingway en testant tous les daiquiris de la ville, et pas seulement ceux tamponnés bar d’Hemingway. L’an dernier, le meilleur était celui de La Pergola (calle Obispo), cette année je lui ai préféré celui de La Marina (calle Officios), plus sec – en fait ils sont rarement stables… Bien sûr, un passage par le Floridita, (où il coûte 2 à 3 fois plus cher qu’ailleurs…), s’impose. Je trompe parfois le daiquiri avec un mojito (un vrai, pas le « mojito » à la française), mais personne ne me fera avaler un Cuba libre – Cuba si, yankee no ! :)

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Réchauffé ainsi, on apprécie mieux les musées cubains : la plupart sont remarquables. Le plus remarquable est peut-être le Musée des Beaux-arts. Je ne m’attendais pas à trouver un tel temple de la peinture au milieu des Caraïbes, bourré d’œuvres chargées sur les galions espagnols et d’œuvres de talentueux artistes cubains dans une muséographie parfaite. Les fresques de 2 d’entre eux ornent par ailleurs la façade (Amelia Pelaez) et un hall (René Portocarrero) de l’hôtel Habana libre, qui contient également le Carro de la revolución, collage en relief de Manuel Sosabravo.

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Je suis bien obligé de m’arrêter là pour aujourd’hui. Tant pis pour les autres chefs-d’œuvre du baroque, pour la Habana vieja, pour le palais des Capitanes generales, pour les vendeurs de rue, pour le Musée de la Céramique, pour le Morro de los 3 reyes, pour… etc., etc.
Ainsi va la vie à La Havane, torride et sereine…

(*) Certes, il ne manque pas de cruelles exceptions, à commencer par le malecón, déjà fichu...

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