Vivre à La Havane, 27/06/16

Visiter La Havane tient du rêve. Malheureusement, y vivre déteint les couleurs du rêve…

La monnaie
Tout commence par la double monnaie : la monnaie nationale (le peso) pour l’économie cubaine, et le CUC (dit dolar et valant un dollar - taxe) pour l’économie touristique. Un dolar vaut 24 pesos. Selon l’économie, un produit ou service « équivalent » vaut parfois… le même montant dans les 2 monnaies (exemples vérifiés : musée, 8 pesos et 8 dolares ; taxi, 10 ; jus de fruit, 2, sandwich, 4...). Conséquence : les prix n’ont pas de signification et ne jouent pas leur premier rôle économique : informer sur la valeur.

Le niveau de vie
Dans l’économie cubaine, très largement publique, les salaires sont assez uniformes (16 à 28 € mensuels. Non, ce n’est pas une erreur). Dans l’économie touristique, les revenus sont passablement meilleurs. Conséquence : un portier et un taxi gagnent beaucoup plus qu’un médecin et un architecte !

Dans cette maison vit et enseigne une professeure de piano... Santiago de Cuba, avril 2015

Le coût de la vie
Je dépense ici plus que n’importe où en Amérique latine ou en Espagne. Produits frais, transports et gargotes locaux sont très peu chers (beaucoup de fruits et légumes autour de 0,20 € le kilo…). Presque tout le reste (produits industriels, beaucoup de services…) est plus ou moins au niveau européen (une paire de tennis : de 25 à 60 € et plus). Il est impossible de vivre avec les salaires (parmi ?) les plus bas du monde. On vit donc d’expédients : on loue des chambres aux touristes*, on leur vend des cigares, du rhum, on les transporte officieusement, on leur rabat des taxis et des… chicas (filles), ou toute autre activité parallèle. Mais la santé, l’éducation… sont gratuites et excellentes (l’espérance de vie est la même à Cuba et aux USA).

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Les queues
Ici, on fait la queue pour tout : achats, carte de téléphone, formalités… On la fait souvent 3 fois : au garde-sac (obligatoire), à l’entrée du magasin, puis devant le rayon ou la boutique. L’organisation des queues a sa poésie : elle n’est pas physique, on demande en arrivant qui est le dernier (« Ultimo ? »). Un peu compliqué quand une même queue est formée pour 3 services. Mais ça marche…

Chez l'opérateur téléphonique comme ailleurs, la queue. La Havane, juin 2016

Les magasins
Ils sont grands, mais comportent très peu de références : en supermarché, le même produit occupe souvent dix mètres de linéaire. Ailleurs, on accède à un comptoir derrière lequel le vendeur vient présenter les 3 ou 4 produits entre lesquels on pense choisir. Je me souviens d’un magasin de chaussures présentant en vitrine une impressionnante collection d’escarpins, mais dont les bacs étaient remplis… des mêmes claquettes de caoutchouc. Il faut donc souvent faire 4 ou 6 queues et magasins avant de trouver ce qu’on cherche. Si on le trouve, si l’informatique fonctionne, si le vendeur est là…

Un magasin, la vendeuse présente les produits sur le comptoir au client. La Havane, juin 2016

Les transports
Les guaguas (bus) sont très peu chères (0,04 €) mais inconfortables ; à Santiago de Cuba, ils tiennent surtout du fourgon blindé et on y suffoque ; La Havane compte beaucoup de bus articulés modernes, souvent bondés. Les Cubains se déplacent beaucoup en maquina ou almendrón (taxi local) colectivo, il revient en général à 0,40 € à La Havane ; directo, de 4 à 9 €. Le plus souvent, ce sont les extraordinaires américaines d’avant l’embargo ! Je sillonne La Havane en Mercury ou en Dodge de film noir pour pas un rond (ou presque)… On trouve aussi partout des bicitaxis (de 1 à 3 €), des cocotaxis, et des taxis officiels (entre 5 et 23 € – ou plus). À la campagne, les charrettes bâchées transportent 8 à 10 personnes.
Une guagua confortable mène de La Havane à Santiago (1 000 km) en une quinzaine d’heures pour 47 €. Il existe aussi une guagua populaire, moins onéreuse et interdite aux touristes.

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La religion
Elle compte beaucoup pour un Cubain. Beaucoup sont catholiques, beaucoup pratiquent la santería (religion afro-cubaine), beaucoup suivent les 2. On voit partout des santeros (disciples), vêtus d’un blanc immaculé, et dont la couleur du collier indique l’orisha (rouge pour Chango, bleu pour Yemoya, vert pour Ochosi…).
La religiosité est démonstrative. Une brave dame, dans la cathédrale de La Havane, priait très fort, levait les bras au ciel, se frappait la poitrine… avant de me proposer des chicas quand je l’ai interrogée.

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Ainsi va la vie à Cuba, triste et belle…

(*) Une nuitée de chambre louée à des touristes ne rapporte pas moins d’un mois de salaire cubain, pour certaines beaucoup plus.

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