Carnets d'exil

Mais Veracruz est en elle-même l’histoire du Mexique. Fondée par Cortés en 1519 et point de départ de sa conquête de l’empire aztèque, elle est restée la porte d’entrée de la Nouvelle Espagne, puis du Mexique jusqu’à l’ère de l’aviation.

C’est là que la marine française tente de prendre pied lors de la guerre des… Pâtisseries. C’est encore là que débute en 1861 la stupide récidive de Napoléon III, et que, deux ans plus tard, arrive l’empereur dont il faisait le présent au Mexique, Maximilien de Habsbourg***.
C’est là aussi que le libéral Benito Juárez est enfermé dans un des épouvantables cachots du fort de San Juan de Ulúa en 1853, mais devenu président, c’est... dans le même fort qu’il élit domicile 6 ans plus tard !
C’est toujours là que débarquent en 1939 des milliers d’Espagnols en deuil de leur République...

Alors, que surnage-t-il de ce passé ? Pas grand-chose à voir, et pourtant : au centre de la ville, le temps semble s’être arrêté dans les années 50. Le soir, du moins les soirs où même la chaleur, épuisée, octroie enfin un de peu de douceur aux Veracruzanos, des centaines de familles du cru et de touristes mexicains, viennent flâner sur le malecón ou siroter un verre sur le zócalo (la grand-place). Les groupes de mariachis y font régner une belle cacophonie, errant de table en table en quête de mélomanes ou d’amoureux, luttant à coup de décibels pour gagner leur pitance.

Alors, on fait comme eux, on vient inspirer les parfums du temps suspendu sur le zócalo, on s’installe devant sa bière ou sa margarita, et on se prend à rêver aux mythes d’Hernán Cortés, de Gary Cooper et de Michelle Morgan…

(*) Veracruz, de Robert Aldrich (1954). Seules les 10 dernières minutes se passent dans un Veracruz de studio…
(**) Les orgueilleux, d’Yves Allégret (1953). En réalité, le film a été tourné à Alvarado, à 80 km plus au sud…
(***) Après le piteux retrait des troupes françaises, Maximilien de Habsbourg sera fusillé en 1867.