Les routards, 28/04/16

Ils sont jeunes pour la plupart, barbus souvent, arborent une queue de cheval parfois. Ils ont mis de l’argent de côté : certains ont la chance d’un travail rémunérateur qui leur permet ensuite de consacrer de longs mois à leur passion : la route...

Ma dernière rencontre en date a été celle de Tatiana, russe, qui me faisait penser plus à Nicole Kidman qu’à Maria Sharapova. Il y a un an qu’elle se balade dans le Cône Sud avant de passer par Rio. Son espagnol chante comme dans les rues de Séville. Au Brésil, elle se débrouille, bien, avec l’espagnol et l’anglais. C’est une routarde écolo et végétarienne : un vrai rat des champs ; avec moi, le rat des villes, cela fournit des sujets de conversation. Ce qu’elle a préféré, c’est la Patagonie. Comme moi elle ignore le mot rentrer : ni nous-mêmes ni ce que nous avons laissé ne sommes jamais les mêmes. Mais elle s’apprête à repasser voir sa famille à Moscou via Montevideo.

Volkswagen Fusco, dans les rues de Santa Teresa, Rio de Janeiro, Myriam Émile, janvier 2016

J’avais d’abord rencontré Marc et Daniel dans le car de Salvador à Fortaleza. Deux beaux gars, peut-être en couple, peut-être pas ; ils crapahutaient eux aussi depuis des mois dans le Cône Sud, et au-delà : Bolivie, Pérou, Chili, Argentine, Uruguay… Jusqu’à Ushuaia : déception, comme je m’en étais douté. Ils étaient revenus à Salvador pour le carnaval.
Ensuite ce fut Stephan, un Allemand polyglotte, avec qui j’ai partagé la vie familiale de Jurunas, à Belém. Portugais parfaitement fluide, 5 autres langues, dont un français loin d’être ridicule. Il n’avait à peu près rien vu de Belém, gémissait constamment sur la chaleur ou sur un mal imaginaire. Il ne sortait que pour l’« academia » (le fitness) et entretenait ses muscles avec une débauche d’œufs. Mais, étonnamment sociable, il était devenu en quinze jours le fils ou le frère de la famille. Il avait passé 3 ans en Bolivie et repartait pour São Paulo.

Soir tombant sur le rio Tapajós, Alter do Chão, Myriam Émile, mars 2016

Puis Richard, le français rencontré sur le bateau de Manaus, l’air de toujours débarquer, ce qu’il a fini par faire à Santarem, de nuit, avec un numéro de téléphone en poche, mais pas de mobile fonctionnel pour l’appeler. Gentil et sympathique, il se laissait un peu vivre comme l’Amazon Star sur lequel il voguait.

Vu du hamac sur le bateau Belém-Santarem, Myriam Émile, mars 2016

Il y eut ensuite Henning, le motard suédois long comme un jour sans krisprolls, qui devait constamment se voûter dans les couloirs du bateau de Manaus. Avec le double de leur âge à tous, il était parti 7 mois plus tôt de Los Angeles au guidon de sa KTM 990 : descendu par la côte pacifique jusqu’à Ushuaia, il était remonté du côté atlantique sur Fortaleza, et de là, avait vécu l’enfer amazonien pour rejoindre Santarem. Après le transfert en bateau pour Manaus, il s’apprêtait à repartir par la seule bonne route, celle du Venezuela via le Roraima. Lui et la moto devaient monter dans un avion à Bogota pour Calgary. Fatigué ? Non : marre des pots-de-vin aux frontières d’Amérique centrale… Objectif : l’Alaska. « Mais en été », précisait Henning.
Enfin, Myriam, la Réunionnaise blanche à l’ADN noir, marketeuse internet, peintre à ses heures, à qui nous devons les superbes aquarelles illustrant ce billet. Myriam naviguait depuis 4 mois dans différents pays d’Amérique latine et comptait continuer autant, son carnet d’esquisses, ses pinceaux et ses crayons à la main, le plus souvent seule, comme Tatiana, ce pour quoi une femme doit être par ici plutôt gonflée, pour ne pas dire courageuse.

Paysage depuis le bateau Belém-Santarem, Myriam Émile, mars 2016

Impressions, découvertes ou informations pratiques, j’aime échanger avec eux, puisque nous avons toujours au moins en commun l’affinité du voyage. J’évite juste de m’enfermer dans des relations qui ne me laisseraient plus de disponibilité pour les gens du cru, à la rencontre desquels je suis venu.
Je me promets d’enfin lire Bourlinguer. Cendrars m’attend dans la bibliothèque depuis 20 ans.

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