Mésoamérique & Mésopotamie, 30/07/16

Pourquoi des peuples dont on est sûr qu’ils n’ont jamais eu de contact mettent-ils en place à un moment de leur histoire les mêmes rites ou les mêmes institutions ? C’est en tout cas ce qui se passe entre la Mésoamérique et la Mésopotamie, par exemple entre la civilisation maya et la civilisation assyrienne...

Dès qu’on rencontre l’Histoire antique (en 6e, en 4e ?), on peut être frappé par les correspondances entre une ziggurat assyrienne et un temple maya. Alors que je parcours la terre maya, cette ressemblance me devient une obsession.

Pyramide et temple de Kukulkán, Chichén Itzá, Yucatán, juillet 2016

La ressemblance est d’autant plus étrange que rien ne semble rapprocher l’art précolombien et les bas-reliefs de Ninive. Malgré les différences importantes entre ces civilisations et au-delà de particularismes régionaux, elle est d’abord formelle : structure pyramidale à degrés, escaliers monumentaux, caractère généralement plein... Elle est aussi fonctionnelle : astronomique (ces pyramides sont des outils de compréhension et de prédiction du mouvement des astres) aussi bien que religieuse (elles visent à approcher les forces célestes, à faciliter leur agrément d’offrandes et de sacrifices, effectués par les prêtres-chefs d’une société théocratique elle-même pyramidale...)

Ruines d’une des ziggurat d’Assur [Qalʿat Sharqat, Irak]

Or l’apparition de ces édifices est intervenue à des moments similaires du développement historique des deux sociétés. On peut en juger par un récapitulatif de quelques grands jalons :

Chronologie comparée

Entrer dans les détails ferait exploser ce cadre. Mais le constat d’un développement parallèle du monde assyrien et du monde maya, à quelques milliers de kilomètres d’écart et à quelques centaines d’années d’écart, s’impose. À partir de l’utilisation de l’écriture, cet écart* est d’ailleurs remarquablement stable, entre 1,5 et 2 millénaires.

Pyramide et temple Nohoch-Mul, Koba, Yucatán, juillet 2016

Ce n’est pas un cas isolé : on pourrait relever de la même façon l’étonnante similitude entre les sacrifices humains à grande échelle des Aztèques et ceux de Benin City ; ou encore la parenté surprenante entre les fils du soleil qu’étaient aussi bien l’Inca que Pharaon...

« Palais à 5 étages », pyramide à chambres voûtées et temple, Edzná, Yucatán, juillet 2016

Pourquoi ? Il semble difficile de le savoir. Sans doute les sociétés humaines, confrontées aux mêmes problèmes et aux mêmes angoisses, recourent-elles fréquemment aux mêmes solutions ? Sans doute chaque étape relevée est-elle porteuse de mutations devenant avec le temps une même cause produisant les mêmes effets, et remplit-elle ainsi la condition de l’étape suivante ?
Comme les êtres biologiques, les sociétés sont vivantes et pourraient se développer selon des lois générales, avec un nombre de paramètres et une complexité tels que ces lois nous restent largement inaccessibles...

(*) Cet écart induit des états différents d’avancées techniques ou culturelles, en aucun cas la « supériorité » d’une société sur une autre – à fortiori en l’absence de tout contact entre elles. Pour des sociétés en contact (Toltèques–Mayas, Sumer–Assyrie…), il interroge sur la diffusion des progrès et leur rythme ; en l’absence de contact, il semble purement contingent : c’est sa stabilité qui fait question dans le cas présent.

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