Managua, 31/08/16

Je quitte Managua, non sans une petite pause coloniale à Granada.
Je ne sais de quoi je suis le plus surpris : de ce qui a changé ici en une génération, ou de ce qui n’a pas changé ?...

Le plus grand changement, c’est l’envol du… jus de pitaya ! Je m’adonne à une cure avec enthousiasme ; le fruit du dragon vietnamien est en réalité celui d'une cactée dont l’origine est mexicaine.

Le « centre » de Managua, lui, a peu changé : à ma grande surprise, il est très peu reconstruit (sécurité) et fait une large place aux parkings et aux terrains vagues. La cathédrale (l’ancienne, désormais) est restée dans le même état, ouverture de plexiglas et barbelés mis à part !… En revanche, une belle (et chère) promenade est en cours d’aménagement au bord du lac Xoxotlán.

Le « centre » historique, Managua, août 2016

On a donc construit de nouveaux « centres » : la Zona Hippo (restaurants italien, français, chinois, américain…), la Zona Viva (loisirs…), la Zona Rosa (casinos…), le tout à prix en dollars et parsemés de ces délicieux centres commerciaux bourrés de fast foods et identiques à Tunis, Recife ou Miami. Seule la langue les distingue… parfois.
Malheureusement, les comedores sympathiques qu’on trouvait un peu partout en font les frais. À Managua, il en reste dans les quartiers populaires et les marchés ; les prix ont logiquement monté, et la qualité a parfois baissé. Pourquoi s’embêter à faire de la bonne cuisine bon marché, boudée au profit de hamburgers chers et... ? Quant à la Plaza de Toros, elle n’existe plus. Hélas, hélas…

L’ancienne cathédrale, Managua, août 2016. La photo ne penche pas, les clochers, si...

Un îlot de bonheur dans l’océan des restaurants prétendus bons : La Cocina de Doña Haydée fait vivre les recettes nicaraguayennes et sa carte ignore le dollar. Vous dînerez peut-être à côté d’elle dans son restaurant d’Altamira ; la même enseigne, en version cuisine rapide, tranche sur les fast foods des centres commerciaux. Son indio viejo (« vieil indien ») est, entre autres, excellent et peu cher.

Et la politique ? En apparence, le régime conserve une base sociale forte, et les organisations sandinistes sont puissantes. Dans le reste de la population, on me paraît un peu plus perplexe. Le choix d’assurer le développement en libérant l’économie a creusé les inégalités : le Nicaragua, pays le plus pauvre d’Amérique après Haïti, serait en Amérique centrale celui comptant le plus de multimillionnaires !

Le paseo Xoxotlán au bord du lac du même nom, Managua, août 2016

Ceci ne serait rien si Daniel Ortega, sa femme (candidate à la vice-présidence au côté de son mari) et ses 7 enfants n’étaient pas accusés d’avoir accumulé fortune personnelle et positions de pouvoir (notamment dans le pétrole et les médias). Le FSLN est muet et la presse, porte-voix de l’opposition libérale*, s’en donne à cœur joie (ce qui atteste de sa liberté). Dans la population, on accuse le président d’être l’homme le plus riche du pays (faux**) ; de détenir des intérêts importants dans le trust PetroNic et la pieuvre Albanisa (vrai**) comme dans la pétrolière Puma (faux**) ; et d'avoir placé ses enfants aux postes de commande de presque toutes les télévisions du pays (vrai**).

La Cocina de Doña Haydée, Managua, août 2016

Bref, il y a boire et à manger, mais la confusion des genres entre État et FSLN, d’une part, entre pouvoir politique et intérêts privés, d’autre part, ouvre les toutes vannes de la rumeur, fondée ou non.
Pour un Nicaraguayen jugeant sa vie plus difficile qu’il y a 36 ans, cela fait beaucoup.

Le Pacifique, lui, n’a pas changé… Masachapa, août 2016

* La Prensa, Confidencial, dans une moindre mesure le Nuevo Diarío
** Pour ce que je comprends et sous bénéfice d’inventaire

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