Carnets d'exil

Le tableau joint (même source) montre que la situation évoluerait favorablement pour le Chili, mais que celui-ci laisserait sa peu enviable place au Pérou et à l’Équateur, où elle empire dramatiquement. Pour les 30 pays les plus touchés, le nombre de morts de la fin juillet serait multiplié par 1,5, 1,75 ou 2 à la Toussaint selon le scénario.

L’autre mauvaise nouvelle est que nous ne sommes pas prêts d’en sortir. Annoncé pour mi-août par les autorités, le pic épidémique pourrait être atteint, selon les scénarios de l’IHME, entre le 31 août et le 27 octobre. Pire, au premier novembre, l’épidémie continuerait à sévir : on continuerait à compter 70 morts par jour à cette date (dans une fourchette largement ouverte entre 17 et… 1 733). Il est donc probable qu’on ne viendra pas à bout du covid avant la diffusion d’un vaccin, dont il est improbable qu’elle commence cette année.

À l’intérieur de la Colombie, la situation a également considérablement évolué. Le pic franchi à Leticia semble l’être également sur la côte caraïbe, sauf à Montería : mais l’épidémie n’est que ralentie à Barranquilla (où on compte 1174 morts par million d’habitants) et Cartagena de Indias, dont on envisage prudemment de rouvrir l’aéroport pour un vol pilote à Pereira.
Bogotá reste très violemment touchée — le nombre de morts y a été multiplié par 5 entre le 26/06 et le 03/08 —, tout comme sa banlieue.
Mais la plus forte progression de l’épidémie est désormais à Medellín : entre les mêmes dates, le nombre de cas actifs a été multiplié par 14 et le nombre de morts par 24, et la région est désormais quotidiennement la deuxième pour les cas nouveaux après Bogotá, qu’elle dépasse parfois avec des pointes à 3 000 cas : ceci laisse craindre une flambée de la mortalité dans les semaines qui viennent, alors que l’alerte rouge est déjà dépassée pour les lits en réanimation. Le plateau observé cette semaine pourrait être illusoire. La municipalité ne comptait que 7 décès le 23/06, mais 24 entre le 23/06 et le 08/07, et 301 entre le 08/07 et le 03/08.

La ville et l’agglomération ont pourtant mis en place une stratégie de lutte active : le centre a été totalement bouclé 15 jours, et depuis maintenant 1 mois est mis en place dans toute l’agglomération un système dit d’accordéon : 4 jours d’activité partielle pour 3 jours d’arrêt complet, du vendredi au dimanche. Effectivement, seules certaines pharmacies et de très rares tiendas (épiceries) y vendent sur le pas de la porte ; pas même une boulangerie. Pour les courses, c’est un jour par semaine…

Pourquoi Medellín est-elle à son tour entrée dans cette danse macabre ? Difficile à dire… L’assouplissement du confinement décrété voici un peu plus d’un mois était inévitable, mais ne pouvait réussir qu’accompagné d’un respect strict des règles de biosécurité. Or, les distances sociales n’ont jamais été vraiment respectées, les masques (effectivement portés en ville, même dans les rues désertes…) sont ceux vendus dans la rue, et on ne sait rien des normes qu’ils suivent, ils sont en outre constamment tripotés, etc. Il y a bien des tests (38 000 par jour pour le pays), mais je doute de la capacité à remonter vers les cas contact dans les conditions de l'Amérique latine...

Mais tout le pays était logé à la même enseigne : pourquoi Medellín bascule-t-elle 3 mois plus tard ? C’est un des mystères de ce virus, organisme stupide mesurant le 10 000e d’un grain de sable, mais que nous sommes incapables de maîtriser.
Au 31 août, la Colombie vivra son 165e jour de confinement (5 mois et demi), et je crains que ce ne soit pas le dernier…

(*) Population selon populationdata.net. Les projections ne sont pas disponibles à ce jour pour la Chine, l’Éthiopie et l’Inde.
(**) Selon l’université Johns Hopkins.
(***) La mortalité actuelle dans ces pays serait très supérieure selon l’IHME.
(****) https://covid19.healthdata.org/colombia