Rome n'est plus dans Rome, 21/04/16

Entrant dans Brasília à la veille du vote de la Chambre sur l’empêchement de Dilma, je me suis vu entrer dans la Rome antique : sa splendeur et ses complots. Certes, Brasília, elle, s’est presque faite en un jour…
Alors, dans ces lieux chargés déjà d’Histoire et de beauté, je me suis arrêté, j’ai fermé les yeux avant de fouler le sol de la ville éternelle et d’admirer le cadre somptueux de ses conspirations.

louve

Dans le Musée qu’elle s’y est consacré, j’ai lu pas à pas l’histoire des générations et des générations qui ont appelé de leurs vœux la fondation de Rome au cœur du pays du futur, jusqu’à ce qu’enfin un jour elle surgisse de terre et s’épanouisse.
Je suis descendu dans sa Basilique, par cette pente étroite où s’effacent toutes les pesanteurs du monde, où les cœurs libérés et sereins s’éveillent à une lumière céleste ; j’ai levé les yeux, et les hyperboles de ses vitraux m’ont aspiré.

Cathédrale

Serpentant entre les toges patriciennes et les tuniques plébéiennes, j’ai foulé le Forum majestueux, au bas duquel trônent les trois pouvoirs de la République. J’y ai vu l’immense bâtisse de la Curie écraser de sa puissance celles du Consulat et des Censeurs : signe des temps, signe d’une République où tout équilibre s’est tendu à se rompre.
J’ai senti, dans l’ombre de la Curie, se fourbir le couteau des assassins, j’ai senti leur cœur lâche puiser dans la lâcheté des autres la force de leur crime.

3 pouvoirs

J’ai senti la détresse des Gracques, s’avançant lentement en flairant l’odeur de leur propre sang. D’où viendront les coups ? quand seront-ils portés ? songeaient-ils en marchant doucement vers la mort.
Ainsi les Gracques sont-ils vaincus, ainsi ont-ils préjugé d’eux-mêmes, ainsi impose l’Histoire sa loi d’airain à leurs fantômes, condamnés à errer quand les nains qui les ont abattus triomphent, ricanent et s’empiffrent ; leur tour viendra. Dormez avec ça, canailles.
Nul pourtant ne fera revivre les Gracques.

« Je n’appelle plus Rome un enclos de murailles
Que ses proscriptions comblent de funérailles :
Ces murs, dont le destin fut autrefois si beau,
N’en sont que la prison, ou plutôt le tombeau ;
Mais pour revivre ailleurs dans sa première force,
Avec les faux Romains elle a fait plein divorce ;
Et comme autour de moi j’ai tous ses vrais appuis,
Rome n’est plus dans Rome, elle est toute où je suis. » (*)

(*) Je rends à César ce que ne pouvait lui prendre Brutus :
La louve romaine : parce que Brasília a été inaugurée le 21 avril (1960), jour de la fondation légendaire de Rome (-753)
Le pays du futur : Brasil, um pais do futuro, de Stefan Zweig (1941) – publié en français sous le titre Le Brésil, terre d'avenir, avec une considérable et regrettable perte de sens…
Les Gracques, assassinés par les sbires des sénateurs pour avoir voulu imposer la réforme agraire : Tiberius Sempronius Gracchus en -133, Caius Sempronius Gracchus en -121.
Dormez avec ça, canailles, apostrophe du député Jean Wyllys lors du vote sur la procédure de destitution de Dilma Rousseff (17/04/16)
Sertorius, de Pierre Corneille (1662)

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