Sexe et suprématisme, 08/01/17

Je sors du Musée national d’archéologie, d’anthropologie et d’histoire de Lima ; je m’assieds quelques minutes sur la place de Pueblo Libre. Un type s’arrête puis s’assied, assez grand, assez fort, assez blanc…

– Vous êtes d’ici ?
– Non…
– D’où ça ?
– De France.
– Ah de France… Et vous êtes en groupe ?
– Non, seul.
(très étonné) Ah ! Vous voyagez seul ?…
– Oui, c’est comme ça, c’est la vie.
– J’aimerais aller en France…
– Oui ?
– Je suis péruvien, mais ici il n’y a pas de femmes blanches.
– Ah ?… Et…
– Les blanches sont bien plus belles.
– Ah !... Ce n’est pas mon avis…
– Vous n’aimez pas les femmes blanches ?
– Je ne dis pas ça, je dis que… la couleur importe peu, ce qui importe, c’est l’alchimie, le feeling… Mais oui, en fait, je suis plutôt attiré par les femmes noires, métisses, indiennes…
– Pourtant les blanches sont bien plus belles, les noires sont laides…
– Ce n’est pas un peu… raciste ?
– Si, c’est raciste, mais c’est la réalité.
– Ah ! Vraiment ? Il n’y a aucune réalité là-dessous !
– La race blanche est en déclin, on ne fait pas d’enfants, en France.
– Justement si : c’est le pays le plus nataliste d’Europe !
– Ce ne sont pas les blancs.
– Qu’en savez-vous ? Il vaut mieux savoir avant de parler. Ça n’a rien à voir avec la couleur. Ça s’appelle la transition démographique. Dans toutes les sociétés anciennes, blanches ou noires, la mortalité était élevée et on faisait beaucoup d’enfants pour qu’il en reste (et qu’ils puissent s’occuper des vieux), la population était stable. Quand la mortalité baisse, il faut du temps pour que les gens adaptent leur comportement et fassent moins d’enfants : la natalité reste forte et la population explose. Puis avec le temps, les comportements s’adaptent, la natalité baisse et la population se stabilise.
– C’est plus simple. Quand je suis avec une femme, je ne réfléchis pas au nombre de morts…
– Évidemment, ça ne se passe pas comme ça, c’est la nature qui s’adapte, ce n’est pas conscient. Mais non, « ce n’est pas plus simple », c’est une réalité scientifique : tous les démographes vous expliqueront la même chose : la transition démographique, qui n’a rien avoir avec la couleur de peau ! Vous devriez étudier…
– Non, vraiment la race blanche est bien plus belle, elle est tout en haut ; en dessous ça se dégrade, ça baisse, ça baisse, et tout en bas il y a les noirs, les femmes noires sont les plus laides de toutes…
– Vous avez raison : restez dans l’ignorance ! C’est bien, l’ignorance, c’est confortable, l’ignorance. Restez dans l’ignorance !

Nous sommes le 8 janvier 2017. Je sors d’un musée regorgeant d’œuvres somptueuses de cultures que je découvre : Chavín de Huantar, Paracas, Wari… Il y a 2 500 ans, les artistes laids et barbares de Paracas réalisaient d’incroyables merveilles d’architecture, de céramique, de tissus, et devant cette porte…

Tissu enveloppant une momie au cimetière de Wari Kayan (Paracas tardif – env. -500), MNAAH, Lima janvier 2017

Il y a des limites à ce qu’on peut accepter d’entendre. Je me lève et je m’en vais, tant pis pour les quelques minutes de paix nécessaires à digérer mon émerveillement.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.carnetsdexil.com?trackback/117

Fil des commentaires de ce billet